Résumé :
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Avec " Partage du monde ", l'écrivain marocain choisit le parti de la révélation de la misère, plutôt que celui de l'abstraite dénonciation. En lui donnant un nom, Brahim, une voix et un destin (celle d'un picaros marocain et son errance entre Marrakech et Paris) il met à jour l'absurde et l'insupportable de la réalité contemporaine. Par le long monologue de Brahim, orphelin abandonné par sa mère sur les rails de la gare de Marrakech, pour qu'il ne souffre pas en vivant plus longtemps, sauvé pourtant, projeté à cinq ans dans la vie : tu es un homme maintenant. Un homme de cinq ans. Difficile de se détacher de ce texte qui coule comme un long poème en prose, épousant les rêves et les mythes personnels de l'enfant qui grandit au contact du monde, se trouvant des pères successifs et accompagné par l'image d'une mère qu'il se persuade d'avoir connu, avant de naître, et qu'elle l'observe, l'aime et l'assiste. La force du roman est telle qu'elle dépasse celle du témoignage : ni précisions superflues, ni détails sordides, ni sensationnel. L'écriture est au plus près, juste, pudique, sans effet inutile. Mais le parcours de Brahim est décrit de sa bouche, depuis la gare de Marrakech où il commence par porter les valises, jusqu'aux cimetières parisiens où il trouve refuge pour dormir, en passant par les alentours de la Koutoubia dont il raconte l'histoire aux touristes, les rencontres tangéroises, la traversée de la Méditerranée dans les cales, enfin la terre promise de France où les arbres ne portent pas les fruits d'or de leurs promesses
C'est peut-être là l'injustice suprême, la plus grande révolte, celle qui conduit Brahim à refuser, bien sûr, l'offre de cet écrivain américain qui lui propose de devenir riche en lui racontant son histoire : " Ils sont friands, me dit-il, les riches de ce genre d'ouvrage. Ils raffolent des aventures pittoresques des pauvres
" Et celle qui conduit Kebir Ammi, justement, à donner une voix à Brahim. Mais sa vraie voix. -- Olivier Zegna Rata
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